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Ghislaine Bourland

Candidate Reconquête! élection législative 2022 - Ancienne élue locale ; auteur d'essais et de chroniques

L'inconnu du métro 8

L'inconnu du métro 8

Sa silhouette apparaît au détour d’un couloir. Elle s’impose au regard de tous ceux qui, le matin, l’emprunte pour rejoindre l’une des rames du métro 8. L’homme se tient au pied du dernier escalier menant sur le quai. Bien peigné et rasé de près, vêtu d’un pardessus marron bien ajusté, il semble soucieux de son apparence. Posé par terre, un sac plastique dévoile sa condition précaire aux passants qui ne l’auraient pas perçu. Il sautille légèrement pour contrer l’humidité ambiante et l’ennui, ou surmonter un embarras à être là. Son visage marqué par les épreuves du temps reste inexpressif. Il ne dit rien, ne demande rien.

Certains l’ignorent comme s’il n’était qu’un vulgaire élément du décor. Quelques-uns le saluent, d’autres lui sourient ; je suis de ceux-là. L’homme m’intrigue. J’aimerai connaitre les raisons qui l’ont conduites ici ; comprendre. L’aborder directement serait inconvenant et je ne veux pas le froisser, juste lui tendre une main, juste lui offrir un instant de chaleur et d’oubli autour d’un café.

Le contraste avec les braillards qui occupent les lieux en fin de journée est saisissant. Eux hurlent leur malheur aux passants, poussent des cris déchirants dans un dialecte étranger. Des parents exposent leurs gosses, les mettent en scène, espérant ainsi toucher davantage d’âmes sensibles. De grossières pancartes et des timbales douteuses réclament l’obole. A vos bons cœurs Messieurs, Mesdames les Parisiens ! Quand cela n’est pas suffisant, les ainés poussent le chemin, vont plus loin, laissant sur place les plus jeunes dans les bras desquels ils placent le dernier né. Ces gens-là ne connaissent aucune limite dans l’exploitation du pathos.

Plus loin, des hommes couchés à même le sol étalent leur misère. Une veille femme assise la tête dans les mains. Devant elle, une simple pancarte « j’ai faim ». Quelques pièces sortent des poches, d’autres restent rangées jusqu'à une prochaine sollicitation ; chacun possédant sa propre zone de tolérance à la détresse humaine.

C’est le Paris souterrain, où le miséreux croise l’ouvrier qui lutte au quotidien pour ne pas sombrer, où le nécessiteux interpelle le cadre moyen dont le pouvoir d’achat se dégrade avec les ans, où la classe supérieure court après le temps ; trime pour conserver sa position. Les autres, ceux qui ne souffrent pas et ne craignent pas le déclin, autant qu'ils le peuvent, évitent le métro ; ils restent en surface.

C'est le Paris populaire, où au détour d’un couloir, le son d’un accordéon (à suivre) ...

 

 

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